Retour au mythe de Narcisse : le regard et la parole

On sait aujourd’hui, grâce à l’enquête anthropologique de Denis Knoepfler et à son ouvrage « La patrie de Narcisse (2010, Odile Jacob) quel adolescent se cache derrière le mythe de Narcisse. Il s’appelait Narkittos et vivait à Erétrie en Enbée. A sa mort précoce ( due à un assassinat déguisé en suicide) des fêtes furent organisées et son histoire (localisée d’abord) fut associée à un mythe ancien et récupérée par Freud qui facilita ainsi l’émergence tardive de la notion de narcissisme.
En 1986, ne sachant pas tout cela, j’ai écrit « retour au mythe de Narcisse » pour montrer deux choses : la première que le « narcissisme » ne signifie pas seulement le regard sur soi mais implique la confrontation avec la parole ou le silence (l’action) de l’Autre (ou des autres); la seconde que le narcissisme n’est pas l’amour pour un soi isolé : Narcisse a besoin d’être regardé et conforté dans son « narcissisme » .. Dans l’Express (12.10.2014) Oliver Le Naire écrivait : « Si l’art de se regarder l’âme et le nombril est éternel, notre interprétation moderne de l’un des plus vieux mythes d’Antiquité, elle, est récente ». Se regarder ? A vrai dire lorsqu’on demande à Tiresias si Narcisse vivra vieux, celui-ci aurait répondu « Il vieillira s’il ne se connaît pas » : la connaissance de soi a été interdite à l’enfant (et pas seulement l’interdiction de voir son visage) .. Voici ce que j’avais écrit dans « le corps et la personne » in Regards sur la personne (Université de Toulouse, pp.45-73)
Pierre