Histoire d’octogénaires : Entraide et solitude

Les octogénaires tombent souvent ! Tous ceux qui m’entourent évoquent deux ou trois chutes. C’est moins angoissant que d’avoir un AVC, mais quand même ! les conséquences peuvent être multiples et tout aussi préoccupantes.

Je prendrai un exemple personnel/relationnel actuellement vécu. Cela me permettra d’élargir la question des effets de crise à ces âges avancés, effets négatifs ou positifs, c’est selon ! Je venais justement de publier un article sur la notion de crise ![1]

Le 20 Juillet dernier ma compagne tombe d’un escalier en allant chercher le journal, tôt de bon matin. Elle appelle à l’aide, les voisins se mobilisent, l’aident et viennent m’avertir (ma surdité m’a empêché d’entendre les appels !). Le SAMU arrive et procède à l’hospitalisation… quatre fractures à l’épaule et au bras droits… Plusieurs mois seront nécessaires pour qu’elle retrouve ses compétences droitières. Le 26 Juillet, je tombe à mon tour dans un autre escalier au moment d’aller à la pharmacie, j’y vais quand même (urgence RV test Covid), mon bras gauche en sang et douleurs tout le côté gauche .. Mon gendre arrive à la rescousse, me fait un second pansement (!) et m’amène chez le médecin. Pas de fractures visibles, mais fortes douleurs intercostales (peut-être fracture de côte, mais inopérable !). Je n’ai pas le Covid (bonne chose) mais une infirmière viendra tous les jours pour les soins (ce sera le cas jusqu’au 21 Août).

Ma compagne est aujourd’hui (29 Août jour de son anniversaire, 85 ans) en Maison de repos pour un deuxième mois !

Seul à domicile, au début avec l’aide des familles, des amis et des voisins, qui m’aidaient à gérer les courses et les rv (je n’ai plus de voiture), la nourriture (je ne sais pas cuisiner !), le linge (avec la personne qui nous aide habituellement sur ce point).

Je pensais à Jacques Limoges et à son livre « Je m’aide quand nous nous aidons ! S’entraider, un potentiel incommensurable »[2] que j’ai présenté sur mon site (www.pierretap.com) et dans Internet, et que je devais analyser ! Mes excuses, Jacques, mais nous sommes au pic de la crise et non à son début !

 

Au début en effet, nous avons bénéficié d’une aide multiple et renouvelée… mais lorsque les aidants ont eu le sentiment que le train-train positif est installé, chacun est repris par la nécessité de gérer ses propres affaires…et, c’est bien normal. Nous évitons alors de les solliciter, pour ne pas « exagérer nos demandes. Je fais appel aux aidants payants : la « SARL Marc Blanco traiteur » qui m’amène à domicile quatre repas par semaine (13  euros chacun ; publicité méritée pour la qualité et la quantité), que je complète chez mon épicier-boulanger (500 mètres de marche le matin, ça fait du bien, même pendant la canicule !), l’aide pour le linge et le ménage…

Pendant ce temps, ma compagne participe aux revendications pour une meilleure nourriture à la Maison de repos. Ce mécontentement, pour la nourriture, l’amène à prendre conscience de son refus d’aller en maison de retraite !

Sur les Maisons de retraite j’ai déjà eu l’occasion de montrer, preuves à l’appui en France et au Portugal, que la vie de couple n’y est pas possible[3].

Mais la famille de chacun voudrait bien envoyer l’un ou l’autre en Maison de retraite, comme seule réponse possible. Accueillir les personnes âgées chez soi peut d’ailleurs avoir des effets contradictoires…

En tout cas, j’ai aussi écrit que « Selon des études récentes, 80% des personnes âgées souhaitent rester à domicile le plus longtemps possible. Par ailleurs 90% des personnes qui partent vivre en établissement (hospices ou maisons de retraite) le font contre leur propre choix, généralement après une hospitalisation ou une alarme santé. »[4]

Une amie me disait qu’à nos âges les choses peuvent aller très vite ! Une voisine atteinte d’Alzheimer et admise dans une maison adaptée, vient de mourir, trois mois après. La moyenne du temps vécu en institution ? En 2016 j’écrivais d’ailleurs que « Trois résidents sur 4 sont des femmes, que leur moyenne d’âge est de 84 ans et deux mois[5], et que leur moyenne de séjour (c’est à dire de vie) est de 2 ans et 6 Mois !

Bon, je vais arrêter là cette étude de cas, en proche proximité. J’ai essayé de fonctionner en chercheur, malgré ma « vieille peau » ! Comme je l’ai aussi écrit la crise implique décision par gestion de nouveaux événements et effort pour éviter les ruptures !

 

[1] « Crise et développement : notion et conditions » (Researchgate, preprint, Mars 2022) (dans mon site n°

[2] 2021 Eidtion Bouquinbec

[3] Malgré les rares exceptions. Voir par exemple « Tap, P.  (2016) « La maison de retraite, entre le domicile et le mourir » CREAI_Paca-Corse pp.17-21. (n° 329, de mon site www.pierretap.com.). Voir aussi « Tap, P. (2011) «Corps, affectivité et sexualité avec l’avancée en âge» dans Philippe Pitaud  Sexualité, handicaps et vieillissement, pp. 73-117, Toulouse, Erès. Cf. page 106 et suivantes

[4] « Moi aidant, toi aidé : De la passion à la compassion » Colloque Agis/Univ. Aix-Marseille  citation p..1-2 (n° 330 de mon site).

[5] Tiens ! c’est justement mon âge actuel !!

Octogenarian’s story: Mutual aid and solitude

Octogenarians fall a lot! Everyone around me talks about two or three falls. It is less frightening than having a stroke, but still! The consequences can be multiple and just as worrying.

I will take a personal/relational example currently experienced. This will allow me to broaden the question of the effects of crisis at these advanced ages, negative or positive effects, it depends! I had just published an article on the notion of crisis![1]

Last July 20th my companion fell down a staircase while getting the newspaper, early in the morning. She calls for help, the neighbors mobilize, help her and come to warn me (my deafness prevented me from hearing the calls!). The ambulance arrived and proceeded to hospitalize her… four fractures in her right shoulder and arm… It took several months for her to regain her right-handed skills. On July 26, I fall in my turn in another staircase at the time to go to the pharmacy, I go there all the same (emergency RV test Covid), my left arm in blood and pains all the left side . My son-in-law comes to the rescue, makes me a second bandage (!) and takes me to the doctor. No visible fractures, but strong intercostal pains (maybe a rib fracture, but inoperable!). I don’t have the Covid (good thing) but a nurse will come every day for the care (this will be the case until August 21st).

My companion is today (August 29th, her birthday, 85 years old) in a nursing home for a second month!

Alone at home, at the beginning with the help of families, friends and neighbors, who helped me to manage the shopping and the rv (I don’t have a car anymore), the food (I don’t know how to cook!), the laundry (with the person who usually helps us on this point).

I was thinking of Jacques Limoges and his book « I help myself when we help each other! S’entraider, un potentiel incommensurable »[2] that I presented on my site (www.pierretap.com) and on the Internet, and that I had to analyze! My apologies, Jacques, but we are at the peak of the crisis and not at its beginning!

 

At the beginning, we benefited from multiple and renewed help… but when the caregivers had the feeling that the positive routine is installed, each one is taken back by the need to manage his own affairs… and, it is quite normal. We then avoid soliciting them, so as not to « exaggerate our demands. I then call upon the paying helpers: Marc Blanco catering company which brings me at home four meals per week (13 euros each; well deserved publicity for the quality and quantity), which I complete at my grocery-baker’s (500 meters of walking in the morning, that is good, even during the heat wave!), the help for the laundry and the cleaning…

During this time, my companion participates in the demands for better food at the nursing home. This dissatisfaction with the food led her to realize that she did not want to go to a nursing home!

On the subject of retirement homes, I have already had the opportunity to show, with supporting evidence in France and Portugal, that life as a couple is not possible there[3] .

But everyone’s family would like to send one or the other to a retirement home, as the only possible answer. Welcoming the elderly at home can have contradictory effects…

In any case, I also wrote that « According to recent studies, 80% of elderly people wish to remain at home as long as possible. On the other hand 90% of people who go to live in institutions (hospices or nursing homes) do so against their own choice, usually after a hospitalization or health alarm. »[4]

A friend told me that at our age, things can go very fast! A neighbor of mine who had Alzheimer’s and was admitted to an adapted home, just died, three months later. The average time lived in an institution. In 2016 I wrote that « Three out of four residents are women, that their average age is 84 years and two months[5] , and that their average stay (i.e. life) is 2 years and 6 Months!

Well, I’ll stop this case study here, in close proximity. I have tried to function as a researcher, despite my « old skin »! As I also wrote, crisis implies decision by management of new events and effort to avoid ruptures!

[1] « Crisis and development: concept and conditions » (Researchgate, preprint, March 2022) (in my site no.

[2] 2021 Eidtion Bouquinbec

[3] Despite the rare exceptions. See for example  » Tap, P. (2016)  » The retirement home, between home and dying  » CREAI_Paca-Corse pp.17-21. (No. 329, from my website www.pierretap.com. ). See also  » Tap, P. (2011) « Corps, affectivité et sexualité avec l’avancée en âge » in Philippe Pitaud Sexualité, handicaps et vieillissement, pp. 73-117, Toulouse, Erès. Cf. page 106 and following

[4] « Me helping, you helped: From passion to compassion » Colloquium Agis/Univ. Aix-Marseille quote p..1-2 (n° 330 of my site).

[5] Well, that’s just my age now!